J.O. Numéro 158 du 10 Juillet 1999
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Texte paru au JORF/LD page 10267
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 9 juin 1999 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 99-414 DC
NOR : CSCL9903604X
LOI D'ORIENTATION AGRICOLE
Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi d'orientation agricole, afin qu'il lui plaise de déclarer cette loi contraire à la Constitution, pour les motifs ci-dessous énoncés.
Les dispositions prévues par le premier alinéa de l'article 131 de la loi d'orientation agricole adopté en dernière lecture par l'Assemblée nationale (modifiant la première phrase de l'article L. 813-2 du code rural) doivent être déférées au Conseil constitutionnel. En effet, elles constituent une atteinte à la liberté de l'enseignement d'une part en restreignant le libre accès à certaines classes de l'enseignement agricole qui ne pourraient être mises en oeuvre par l'enseignement agricole privé sous le régime des contrats établis par le législateur de 1984, et en rompant le principe d'égalité de traitement des élèves de l'enseignement public et de l'enseignement privé.
I. - Le principe constitutionnel de liberté de l'enseignement aurait dû se traduire dans la loi par l'alignement des possibilités d'ouvrir des formations sous contrat dans les lycées agricoles privés aux mêmes niveaux que dans les lycées agricoles publics. Un tel principe doit d'autant plus être respecté que par ailleurs la loi a prévu que les associations ne peuvent contracter pour les formations que dans les limites fixées cumulativement par le schéma prévisionnel national des formations et par les crédits inscrits chaque année dans la loi de finances. En outre, la gestion par l'Etat des crédits affectés à l'enseignement agricole tient compte des sujétions particulières de l'enseignement public, les subventions affectées aux établissements privés ne représentant qu'une fraction du coût pour l'Etat des charges correspondantes des établissements publics. La restriction nouvelle créée par la loi constitue donc, à l'égard de la liberté d'enseignement, une restriction sur le fond puisque la loi de 1984 codifiée fixe de façon précise le cadre de la contractualisation et du financement qui en découle.
En ne permettant pas la contractualisation des classes concernées dans les établissements privés, la loi constituerait un monopole des établissements publics pour la préparation aux concours publics. Or une telle situation a été contestée par une décision du Conseil d'Etat du 13 novembre 1970 (rec. 674).
Le principe ci-dessus est d'ailleurs retenu par les articles 28 et 30 de la loi d'orientation de l'éducation du 10 juillet 1989 qui précisent que les dispositions qui sont relatives à l'enseignement sont applicables aux établissements privés sous contrat, étant sauvegardées les dispositions spécifiques prévues par les lois de contractualisation (loi Debré de 1959 et loi Rocard de 1984).
II. - L'égalité de traitement entre les élèves vaut notamment pour le régime des examens et concours. En réservant l'existence des classes préparatoires ouvertes aux titulaires des BTS ou DUT aux seuls établissements publics, la loi imposerait aux candidats aux concours de recrutement des ENSA et autres établissements analogues d'être scolarisés dans un établissement public dès lors qu'ils se présentent au concours par la voie qui leur est réservée. Une telle disposition a été annulée par le Conseil d'Etat (arrêt du 22 mars 1941, rec. 49). La loi n'autorisant pas la contractualisation de telles classes dans les établissements privés, les candidats aux concours précités n'auraient d'autre possibilité que de se présenter sans le complément de formation assuré dans ces classes préparatoires. Or le rapport 1998 de l'Observatoire national de l'enseignement agricole estime quasi nulles les chances de succès de tels candidats au vu des résultats au concours analysés depuis 1987. L'égalité des candidats devant le concours public est donc rompue.
III. - Or le texte adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture, malgré les amendements adoptés par la Haute Assemblée et après l'échec, notamment sur ce sujet, de la commission mixte paritaire le 4 mars 1999, ne permet pas aux établissements privés et à leurs élèves l'égal accès de tous aux concours et à leur préparation sous contrat. Il méconnaît donc le principe constitutionnel et modifie l'équilibre entre les enseignements techniques public et privé sous contrat alors qu'il aurait dû établir l'alignement des possibilités d'ouvrir des formations sous contrat dans les lycées privés aux mêmes niveaux que dans les lycées agricoles publics.
Tel était l'objet d'un amendement présenté à l'Assemblée nationale dont la forme donnait toute garantie par ailleurs que si, par une évolution contraire, les établissements publics voyaient réduit leur champ de compétence, il en irait de même automatiquement pour les établissements privés. Un amendement visant le même objectif a été présenté et adopté par le Sénat.
Le refus d'une telle disposition par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale a conduit à une situation clairement discriminatoire à l'égard de l'enseignement privé sous contrat et il provoque durablement la rupture des équilibres de 1984, l'actuel texte de loi constituant, par son caractère de « loi d'orientation », un véhicule législatif essentiel pour organiser l'enseignement agricole à l'avenir.
Cette même discrimination est explicite dans l'argumentation exposée par le ministre devant les deux assemblées, puisqu'il renvoie le règlement de la question soulevée pour l'enseignement privé sous contrat à un éventuel projet de loi sur l'enseignement supérieur, alors que le texte qu'il a présenté et soutenu pour l'enseignement agricole public institue les dispositions législatives nouvelles concernant le « premier cycle de l'enseignement supérieur » dans les lycées publics. Dès lors pouvait-on refuser de légiférer pour les établissements privés sous contrat dans le cadre de la LOA, alors que le même texte le faisait pour les établissements publics sur le même sujet, sans que cela conduise à la situation de monopole évoquée plus haut ?
Pour ces motifs, il est demandé au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi d'orientation agricole.
(Liste des signataires : voir décision no 99-414 DC.)